Éducation
Seule une conscience planétaire forte ancrée dès l’école favorisera la résolution des questions globales du XXIème siècle d’ordre éthique, économique, écologique, social ou culturel. Cette conscience de vivre un destin commun sur une même petite et fragile planète viendra enrichir le sentiment national et les différentes croyances sans jamais se substituer à elles.
Dans ce monde dominé par les forces inconséquentes du marché au risque de notre propre disparition en tant qu’espèce sont négligés les savoirs permettant aux sociétés de perdurer en paix et à l’environnement sont marginalisés. Dominent les enseignements utiles à la croissance de l’économie, ce qui, par voie de conséquence, induit une croissance corrélative des émissions de gaz à effet de serre.
Hématologiste français de renommée mondiale, Jean Bernard confiait au soir de sa vie. « Le XXème siècle a progressé en tout sauf en sagesse. » La tendance s’accentue en ce début de XXIème siècle. Si les technologies ont réalisé des progrès fulgurants, il n’en est pas de même dans le domaine de la sagesse, de la recherche de la paix, des relations humaines et inter-communautaire, et de la gestion de l’environnement.
Il serait urgent à cet égard de développer un réseau international d’enseignants -école, collèges, lycées, enseignement supérieur- et d’organisations pour l’éducation afin d’élaborer des contenus utiles pour améliorer la cohésion sociale et mettre l’économie, la finance, les sciences et les technologies au service de la dignité humaine, du progrès social et d’une protection volontariste de la planète et de ses climats. Les thèmes suivants devront être au cœur des enseignements dans tous les pays depuis le primaire jusqu’au cycle supérieur .
– Les droits humains et sociaux, l’éthique, la culture humaine, l’esprit des démocratie, les conventions internationales majeures -la Déclaration universelle des droits de l’homme, la déclaration de Philadelphie sur le travail, etc- et la soutenabilité.
– Les cursus des sciences dures -mathématiques, éconophysique, informatique, ingénierie, etc- doivent être irriguées par les savoirs essentiels évoqués ci-dessus afin de former les futures élites de la politique, de l’économie, des sciences et des technologies au respect des droits humains et sociaux et à la soutenabilité. Les valeurs de sagesse et d’humanité seront promues pour pondérer la cupidité et l’agressivité conquérante inhérentes aux acteurs du marché.
– Les savoirs du futur. Un programme inspiré des travaux réalisés par Edgar Morin en partenariat avec l’UNESCO enseignera les savoirs du futur. C’est une nécessité à l’heure où le marché impose un rythme qui ne laisse plus le temps de vivre, stresse les individus du bas en haut de l’échelle sociale et déshumanise la société.
– L’esprit critique. Les jeunes doivent apprendre à garder une distance critique à l’égard des discours politiques et des contenus des médias. Il leur sera enseigné très tôt que les médias sont des supports publicitaires au service de leurs clients. Ils doivent apprendre que la ligne éditoriale des journalistes et des experts ira généralement dans le sens des intérêts des grands groupes annonceurs de presse, de radio ou de télévision. Dans les JT et aux heures de grande écoute, la mondialisation -par définition favorable aux marques mondiales- sera présentée comme le cadre naturel de l’économie sans alternatives possibles. Lors des campagnes électorales, les partis proposant des choix socio-économiques novateurs, plus équitables et durables, ne seront jamais qualifiés de progressistes, mais « d’extrême-gauches », avec le commentaire constant « de ne pas tenir compte des réalités économiques » ou » de mettre en danger les emplois ». Il est bon que les futurs citoyens sachent que la logique hyperconsumériste des médias offre comme ultime horizon du bonheur et de la réussite les modes de vie les plus dispendieux et outranciers. De ce fait, les écologistes appelant à un développement moins gaspilleur et plus respectueux de l’environnement sont généralement présentés comme des ennemis du progrès, voire des fanatiques nostalgiques de la lampe à l’huile et de la marine à voile.
– Apprendre à hiérarchiser. Notre propre survie dépendant d’un environnement régénéré, la priorité des priorités est de consacrer tous les moyens humains et financiers à cette fin. Toutes les activités humaines professionnelles ou personnelles étant liées à la santé des écosystèmes planétaires, à la restauration de la biodiversité et à la régulation du climat, ce défi enthousiasmant devra fédérer les énergies, doper l’innovation et mobiliser l’intelligence collective de l’humanité.
– Des stages de fin d’études réservés aux étudiants en sciences politiques, management des affaires, ingénierie les mettront au contact du monde réel. Le fait de partager durant trois mois le quotidien éprouvant de plusieurs milliards de personnes en usine, dans les services, en résidant dans un environnement industriel ou dans une zone non équipée d’assainissements influera plus tard sur leurs décisions pour améliorer les conditions de travail, les rémunérations, les droits humains et sociaux et protéger les écosystèmes de la planète.
Un stage spécifique sera réservé aux étudiants en sciences politiques destinés aux plus hautes fonctions. Il devront au cours d’une dizaine de jours visiter les camps de réfugiés -guerre, économiques, climatiques- et visionner des documentaires donnant la parole à des personnes vivant dans des zones de bombardements ou ayant subi la torture. Un manière là encore de marquer l’esprit de ces futurs responsables politiques en vue de mieux orienter plus tard les choix politiques.
_______
DE NOUVEAUX CONTENUS ÉDUCATIFS.
Faut-il rendre responsables de la menace d’extinction de l’espèce humaine celles et ceux qui ont présidé et président encore aux destinées de l’humanité à la tête des États et des institutions financières et commerciales mondiales? Circonstance atténuante, ces personnes ont été formées sur les bancs des plus prestigieuses universités au mythe d’une croissance perpétuelle de la production et de la consommation. Faites-en l’expérience, vous ne trouverez jamais les mots environnement et climat dans les publications des économistes depuis Adam Smith. Enfermés dans leur bulle théorique, ces éminents techniciens des marchés ont tout simplement négligé un paramètre-clé. Notre planète est limitée en ressources et en capacités régénératrices. Par ailleurs, le refrain de « la croissance pour l’emploi » entonné dans les campagnes présidentielles dans tous les pays ne reflète plus la réalité. Cela fait plusieurs décennies qu’une déconnexion s’est opérée entre la croissance mondiale et les performances des grands groupes et l’amélioration de la vie des populations. Les véritables emplois ont été détruits au profit de jobs précaires sous-payés offrant des conditions de travail inhumaines. C’est le cas de 83% des emplois à travers le monde. Les effets sociaux sont désastreux. La Global Wealth Pyramid publiée en juin 2021 par le Crédit suisse indique que près de trois milliards d’adultes auxquels ajouter une nombreuse progéniture n’ont accès qu’à 1,4% de la richesse mondiale des ménages. Cette même statistique révèle que 1% de l’humanité cumule près de la moitié de cette même richesse, 43,4% exactement.
En dépit des conséquences historiques des inégalités, de la désespérance et de la misère qui alimentent tous les fléaux depuis les mafias mondialisées jusqu’aux régimes autoritaires fascisants en passant par le djihadisme international, nous sommes toutes et tous formatés à cette exigence de production et de consommation insoutenable. En effet, le droit de se nourrir, d’avoir un toit, de se déplacer, de se divertir, bref de vivre est dans la majorité des cas lié à un « emploi de croissance » qui détériore les écosystèmes, appauvrit la biodiversité, réchauffe le climat, impacte trop souvent la santé humaine. Sans compter le risque de faire sauter plusieurs fois la planète sur une simple erreur d’interprétation balistique.
Malgré ce, contre vents et marées, l’Academic Ranking of World Universities de Shangaï classe les meilleures universités selon leur capacité à former les cadres les plus performants de la croissance mondiale. Si le classement prend en compte un saupoudrage écologique des disciplines, c’est la géoingénierie et la finance vertes qui dominent comme ultimes clefs de la restauration de l’environnement et du climat. Placer les écosystèmes sous l’arbitrage des marchés ou recourir massivement à la géoingénierie sont des solutions à haut-risques pour l’humanité.
Fondé sur une logique inverse, le Pacte Climatique Mondial propose des enseignements ayant vocation à pérenniser notre présence sur Terre. Un large consensus validera à n’en pas douter cette option pédagogique à appliquer depuis la petite école jusqu’à l’université et aux grandes écoles. Les cursus universitaires stimuleront l’innovation dans toutes les disciplines, notamment l’agriculture, l’élevage et la pêche, les énergies, l’habitat et le BTP, les transports terre, air, mer, les mathématiques algorithmiques, l’I.A., les technologies numériques, la communication, l’établissement de nouvelles normes, de nouveaux indices que le PIB …
La logique de croissance du FMI datant de 1944 n’étant plus adaptée aux réalités du XXIème siècle, une discipline spécifique concernera le nouveau système monétaire mondial et les instruments financiers destinés à soutenir whatever it takes la reconversion bas-carbone de l’économie mondiale. Les universités et les grandes écoles d’ingénieurs devront enseigner sans exclusive les énergies renouvelables, les Low tech, les techniques des 4 R –Reduce, Recycle, Reuse, Repair-, l’économie circulaire, l’agriculture biologique et la permaculture, la gestion responsable des mers et des océans… Les savoirs ancestraux devront également trouver leur place à l’université, ainsi que les diverses approches de la santé en complément à l’allopathie.
Les sciences sociales et humaines confinées jusqu’ici dans des cursus subalternes hermétiques seront dépoussiérées et revalorisées en un cursus de culture humaine enseignant ce qui permet aux sociétés de se perpétuer, la sagesse, l’entente entre les communautés et la relation à l’autre -autre culture, autres croyances, autre genre…
D’une manière générale, TOUT doit être mis en oeuvre pour inverser dans les plus brefs délais la trajectoire du réchauffement climatique, apaiser les tensions intercommunautaires et favoriser la coopération en lieu et place des guerres. Les positions sociales les plus enviées et les salaires les plus élevés seront attribués aux personnes engagées comme chefs d’entreprises, hauts-fonctionnaires, ingénieurs, salariés de base ou membres d’associations dans la dépollution de la planète, la régénération des écosystèmes, la restauration de la biodiversité, la réduction des émissions de GES ou au service de la société.